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Prévoyance 31 mars 2025

Un testament peut être établi dans une langue étrangère au testateur

Un notaire peut rédiger un testament dans une langue que ne comprend pas bien le testateur dès lors que ce dernier est accompagné d’un traducteur assermenté, a jugé récemment la Cour de cassation.

Une personne qui ne maîtrise pas bien le français peut désormais faire rédiger son testament dans la langue de Molière par un notaire. Mais à la condition qu’il soit assisté d’un interprète inscrit sur une liste d’experts judiciaires. Telle est la décision rendue le 17 janvier 2025 par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, qui devrait faire jurisprudence.

L’affaire porte sur une histoire qui a connu plusieurs rebondissements judiciaires. Le 17 avril 2002, une femme de nationalité italienne, qui vit en France et a quatre filles, fait rédiger un testament authentique, c’est-à-dire dicté à un notaire devant deux témoins indépendants. Comme la dame ne parle bien le français et que ni le notaire, ni les témoins ne comprennent l’italien, la testatrice se fait accompagner d’un traducteur en langue italienne.

Le petit-fils désavantagé par rapport à ses tantes

L’Italienne meurt le 28 février 2015. Son petit-fils, qui représente sa mère prédécédée en 1994, découvre alors que ses trois tantes (les sœurs de sa mère défunte) se sont vu attribuer la quotité disponible par leur propre mère par le fameux testament authentique, en plus de leurs parts réservataires. La réserve héréditaire correspond à la part du patrimoine qu’un père ou une mère est obligé(e) de léguer à ses enfants. Elle équivaut à la moitié des biens du parent s’il a un enfant, aux deux tiers avec deux enfants (partagés à parts égales) et aux trois quarts avec trois enfants et plus (idem).

La quotité disponible est la part du patrimoine, hors réserve héréditaire. Elle peut être utilisée par un parent pour favoriser un enfant. Le petit-fils estime que ce n’est pas le cas en l’espèce. Il pense que sa grand-mère n’a pas mentionné sa mère dans la quotité disponible parce qu’elle était déjà décédée au moment de la rédaction du testament et parce qu’elle ne savait pas que son petit-fils allait représenter sa fille défunte lors de la succession. Selon lui, cette méprise vient du fait qu’il estime que sa grand-mère n’a pas compris les propos et explications du notaire. Pour le petit-fils, le testament ne reflète pas les dernières volontés de sa grand-mère.

Valable comme testament international

Il assigne ses tantes en justice pour nullité du testament. Ce dernier est annulé en première instance. Les tantes font appel. Dans un arrêt du 16 juin 2020, la cour d’appel de Grenoble juge le testament valable comme testament international.

Selon la convention de Washington, signée le 26 octobre 1973 et entrée en vigueur en France le 1er décembre 1994, un testament international peut être libellé dans une langue mal comprise par le testateur s’il est rédigé par écrit et déposé en présence de deux témoins et « d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu même s’il n’est pas tenu de dévoiler ce contenu ». Soit la définition d’un testament authentique.

Opposition des juges du fond

Le petit-fils se pourvoit en cassation. Le 2 mars 2022, la Cour de cassation considère que, si un testament international peut être écrit dans n’importe quelle langue, il faut que le testateur la comprenne, même en présence d’un interprète. En conséquence, la haute juridiction casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Lyon.

La cour de renvoi confirme le 21 mars 2023 le jugement de la cour d’appel. Pour les juges lyonnais, le testament incriminé est recevable en tant que testament international. Le petit-fils ayant formulé un pourvoi à l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, le premier président de la Cour de cassation décide de soumettre l'affaire devant l'assemblée plénière, qui constitue l’une des deux formations solennelles de la Cour avec la chambre mixte.

Nouvelle loi

Dans la décision de l’assemblée plénière du 17 janvier 2025, la Cour de cassation reconnait qu’un testament international peut être écrit dans une langue que ne comprend pas le testateur, s’il a été assisté d’un interprète assermenté. La Cour précise que cette règle ne concerne que les testaments établis à partir du 18 février 2015, date d’entrée en application de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

Ce texte prévoit qu’un testament authentique peut être rédigé même si le testateur ne maîtrise pas le français, si la dictée et la lecture du testament ont être accomplies par un interprète, sous réserve que ce dernier soit choisi par le testateur sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ou sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d'appel. La défunte ayant fait rédiger son testament en 2002 - c’est-à-dire avant la loi du 16 février 2015 -, la Cour casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Lyon et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Chambéry.

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