Dans un arrêt récent, la Cour de cassation confirme que les capitaux d’une assurance vie sont rapportables à l’actif successoral dès lors que les primes versées sur le contrat sont « manifestement exagérées ».
Si l’assurance vie peut être utilisée pour avantager un de ses enfants au moment de la succession, ce procédé doit être manié avec précaution. C’est ce que rappelle, en creux, un arrêté daté du 2 mai 2024 de la première chambre civile de la Cour de cassation.
La plus haute instance de la justice française avait à juger le conflit entre un frère et une sœur au sujet de la clause bénéficiaire de l’assurance-vie de leur mère, décédée le 21 avril 2013. Celle-ci avait ouvert, le 4 janvier 2000, un contrat dans lequel elle avait désigné son fils comme son unique bénéficiaire.
Choix libre du ou des bénéficiaires
Le souscripteur d’une assurance vie pouvant désigner la ou les personnes de son choix qui percevront les capitaux à son décès, la fille ne remet pas en cause le fait que seul son frère ait touché le bénéfice du contrat de leur défunte mère. Ce qu’elle conteste, c’est l’importance du montant des capitaux transmis qui s’élève à 86.719,45 euros.
La fille s’étonne d’une telle somme, alors que ses parents (son père est décédé le 1er mars 2010) n’étaient pas imposables et que sa mère touchait, de son vivant, une retraite annuelle de seulement 9.899,92 euros. Elle soupçonne que le contrat d’assurance vie ait servi à avantager son frère au moment de la succession à son détriment.
Placement « hors succession »
En France, il n’est pas possible de déshériter ses enfants. Ces derniers bénéficient de la réserve héréditaire, qui correspond à la moitié du patrimoine du parent décédé s’ils sont fils ou fille unique, aux deux tiers (partagés à parts égales) en présence de deux enfants ou aux trois quarts (idem) en présence de trois enfants et plus. La part restante, appelée quotité disponible, peut, elle, être léguée librement par testament, y compris à l’un des enfants.
L’assurance-vie n’a pas à respecter la réserve héréditaire, car ce placement est considéré comme étant « hors succession », c’est-à-dire non soumis aux règles successorales. Toutefois, l'article L. 132-13 du Code des assurances prévoit que les primes versées sur un contrat d’assurance-vie sont rapportables à la succession si « elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur, un tel caractère s'appréciant au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ainsi que de l'utilité du contrat pour celui-ci ».
Garde-fou
Ce garde-fou a été instauré pour éviter que des parents n’utilisent leur contrat d’assurance vie pour contourner la réserve héréditaire. C’est justement cette pratique que soupçonne la fille en l’espèce. C’est pourquoi, elle porte l’affaire en justice. La cour d’Agen la déboute, le 14 février 2022, au motif que le caractère manifestement exagéré des primes versées sur le contrat d’assurance vie n’était pas explicite.
La fille se pourvoit en cassation. La haute juridiction casse la décision des juges de fond. La Cour condamne le frère à payer 3.000 euros d’amendes à sa sœur au titre des dommages et intérêts, et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse.
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