Si les troubles de la mémoire sont le symptôme le plus courant de la maladie d’Alzheimer, il n’est pas rare que cette dernière s’accompagne également de troubles du sommeil qui, bien souvent, surviennent avant même que le diagnostic n’ait été posé. Comment considérer ces perturbations du sommeil ? Sont-elles un facteur de risque qui accélère la dégénérescence ou sont-elles au contraire causées par les premières étapes de la maladie ? Telle est la question que se sont posés les chercheurs du GIP Cyceron de Caen.


C’est à l’accumulation de protéines amyloïdes dans le cerveau qu’est notamment due la survenue de la maladie d’Alzheimer dont les troubles du sommeil sont l’un des symptômes précoces. S’il semble qu’il existe un lien entre ces dépôts neurotoxiques observés au niveau cérébral et ces altérations du sommeil, il reste encore difficile à comprendre. Ces troubles du sommeil favorisent-ils les dépôts de protéines amyloïdes ? Si tel était le cas, alors ils constitueraient un facteur de risque de démence dont le repérage pourrait permettre d’identifier les personnes à risque.


L’architecture du sommeil passée au crible

Les chercheurs du GIP Cyceron de Caen se sont donc intéressés aux troubles qui affectent notre sommeil. Mais, tandis que les études déjà menées sur ce sujet ayant permis de montrer qu’il existait un lien entre l’accumulation de protéines amyloïdes et troubles du sommeil se sont concentrées sur le sommeil lent, les chercheurs de Caen ont quant à eux décidé de porter leur attention sur le sommeil paradoxal qui impliquent des neurones précocement atteints dans la maladie d’Alzheimer. Pour ce faire, ils ont analysé l’architecture du sommeil d’une cohorte de personnes âgées sans troubles cognitifs, en s’appuyant sur des examens d’imagerie pour rechercher la présence de dépôts amyloïdes dans le cerveau. Ce premier travail leur a permis de mettre évidence que la puissance des ondes cérébrales thêta qui caractérisent le sommeil paradoxal était d’autant plus faible que les dépôts amyloïdes étaient nombreux. Une corrélation que l’on ne retrouve avec aucune autre onde caractérisant le sommeil lent, léger ou profond, et qui semble donc confirmer qu’il existerait un lien entre modifications précoces du sommeil paradoxal et risque d’évolution vers la démence.


De la corrélation à la causalité

Au cours de cette étude, les chercheurs ont également constaté que cette diminution de la puissance des ondes cérébrales thêta s’accompagnait d’une augmentation du débit sanguin au niveau de plusieurs régions du cerveau, notamment dans les aires fronto-pariétales. Or on sait qu’une diminution d’activité d’une zone cérébrale est en général associée à un besoin moins important en oxygène et donc à une diminution du flux sanguin. Les chercheurs de Caen postulent donc que l’augmentation du débit sanguin dans les régions qui présentent davantage de dépôts amyloïdes pourrait refléter un mécanisme compensatoire transitoire pour aider à y maintenir une activité neuronale habituelle. Un mécanisme qui pourrait être délétère à long terme, puisqu’une hyper activité neuronale favorise l’accumulation de protéines amyloïdes.


Des hypothèses à confirmer

Si l’équipe de chercheurs de Caen envisage, à partir de sa cohorte de patients, de poursuivre l’étude de leur évolution cognitive afin de voir si les troubles du sommeil pourraient avoir une valeur prédictive d’évolution vers la maladie d’Alzheimer, d’autres travaux auprès de groupes plus importants de personnes âgées en bonne santé cognitive et de personnes souffrant de troubles cognitifs de sévérité variable, seront donc nécessaires pour confirmer les hypothèses actuelles.


Source : Cliquez-ici