En fin d'année 2017, une «mission flash» sur les aidants était confiée par Mme A.Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, à M. Pierre Dharéville, député des Bouches du Rhône.
Les conclusions de cette mission ont été présentées le 23 janvier 2018 devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale: un rapport dont les membres de la commission ont été unanimes à saluer la qualité, et qui a suscité de nombreuses prises de paroles et questions.
Le compte rendu de M. Dharéville et les interventions qu'il a suscitées ont permis durant 1h30 d'éclairer la question des aidants en France dans ses multiples facettes et sa complexité. Nous vous proposons un résumé des points forts de cette mission.
Une vue d'ensemble de la question des aidants
Pour définir qui sont les aidants, M.Dharéville débute son intervention en évoquant des portraits d'aidants: Maryse, Pascale, Jérome, Antoine... Ils sont exceptionnels -dit-il- mais ne sont pas des exceptions. Au nombre de 8,3 millions (évalué en 2008), ils représentent «un phénomène massif, remarquable et révélateur».
Observant que la prise en charge des personnes les plus fragiles repose aujourd'hui largement sur la solidarité des proches, empreinte elle-même de culpabilité, le rapporteur évoque le travail gratuit et non reconnu que fournissent les aidants, travail auquel certains économistes attribuent une valeur de 12 à 16 milliards d'euros (0,6 % à 0,8% du PIB).
Si la générosité de ce travail puise au meilleur de l'humanité, il ne peut se substituer à une réponse publique qui n'est pas à la hauteur. La beauté du don s'accompagne aussi d'une souffrance, de sacrifices.
Ce travail doit être reconnu, poursuit M. Dharéville car «Il vient au mieux en complément, au pire en palliatif d'une société qui n'est pas à la hauteur».
Citant un récent rapport du Haut Conseil de la Famille, de l'Enfance et de l'Age, M. Dharéville rappelle que « le premier droit des aidants est que le plan d'aide de leur proche soit d'un bon niveau et qu'un service public de bonne qualité le mette en oeuvre».
Le rapporteur poursuit: En l’état, si l’action publique ne saurait se fixer pour but ultime de rendre tant soit peu soutenable leur charge, l’aide aux aidants est indispensable.
Celle-ci doit passer par la mise en place d'un statut du proche aidant, qui lui confère des droits répondants à trois besoins repérés comme fondamentaux:
- Temps
- Ressources
- Accompagenement
Une analyse critique des mesures existantes
Les mesures existantes ne répondent que très partiellement aux besoins fondamentaux évoqués.
En voici des exemples les plus marquants:
- Le congé de proche aidant: il faudrait qu'il soit
- indemnisé à l'instar de l'allocation de présence parentale par exemple (43,14 €/jour)
- plus souple: les règles de fractionnement du congé doivent être revues
- moins limité dans le temps. La limite actuelle d'un an pour l'ensemble de la carrière ne permettra pas par exemple d'aider plusieurs proches si nécessaire. Pour M. Dharéville, la limite d'un an devrait être a minima «par personne aidée».
- Le droit au répit, institué par la loi ASV** a une portée très insuffisante liée à une définition restrictive :
- obligation de saturation du plan APA (Allocation Personnalisée d'Autonomie)
- limitée aux aidants de personnes âgées recevant l'APA, excluant tous les autres
- montant insuffisant au regard du coût d'un hébergement temporaire
- manque de places d'accueil temporaire pour répondre aux besoins...
Or, pour M. Dharéville, le droit au répit devrait devenir un droit opposable.
- Des différences de traitement ont été en outre pointées par le rapporteur:
- La majoration de la durée d'assurance vieillesse ne s'applique qu'aux aidants de personnes handicapées
- Le dédommagement de l'aidant n'est prévu que pour les aidants d'une personne handicapée.
D'autres pistes de réflexion pour mieux soutenir les aidants sont également évoquées:
- prise en charge à 100% des dépenses de santé des aidants, avec consultation annuelle d'un psychologue
- valorisation de l'expérience acquise auprès du proche pour faciliter le retour à l'emploi
- maintien de la rémunération de l'aidant (dans le cas où celui-ci est rémunéré par son proche via la PCH ou l'APA) pendant trois mois après le décès, pour laisser le temps à l'aidant de réintégrer le marché du travail
Un système qui manque de cohérence
Une grande diversité de dispositifs ne facilite pas l'orientation des proches aidants, notamment en terme de «porte d'entrée».
La coordination des interventions à domicile incombe de fait aux aidants, ajoutant à leur charge.
Il faut créer un vrai service public de l'autonomie. Les «Maisons départementales de l'autonomie», qui fonctionnent sur certains territoires, pourraient peut-être servir de modèle afin d'offrir un «guichet unique», sous l'égide des départements.
Si des formations à destination des aidants se déploient sur les territoires, M. Dharéville souligne qu'aucun dispositif ne soutient le retour à l'emploi des aidants.
Quant à la formation des personnels de l'autonomie, elle devrait faire l'objet d'un effort majeur, et s'accompagner de la reconnaissance salariale.
En conclusion
«Aide toi, le ciel t'aidera» ne devrait plus être la devise qui régit le sort des aidants, selon M. Dharéville, qui ajoute, en conclusion de son rapport de mission:
«C'est au regard du sort qu'elle réserve à ses membres les plus fragiles que se mesure la santé d'une société, et c'est au regard de son rapport aux mécanismes de solidarité collective qu'on peut la dire fraternelle».
Les conclusions de ce rapport vont faire l'objet de propositions auprès de Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé.
*Disposer de temps et de droits pour s’occuper de ses enfants, de sa famille et de ses proches en perte d’autonomie (Ndlr)
** Loi d'Adaptation de la Société au Vieillissement du 28 décembre 2015