Une erreur portant sur les conditions d’éligibilité à un dispositif de défiscalisation peut dans certains cas conduire à l’annulation d’une vente. C’est ce qu’ont décidé les tribunaux dans cette affaire.
En l’espèce, plusieurs personnes ont fait l’acquisition de parts indivises d’un navire (appelées quirats) dans le cadre d’une opération de défiscalisation. Par la suite, les acquéreurs se sont vu refuser le bénéfice de la réduction d’impôts attendue au motif que le navire ne remplissait pas les conditions d’éligibilité au dispositif fiscal. Les acquéreurs saisissent les tribunaux afin d’obtenir non seulement des dommages et intérêts mais également l’annulation de la vente. Pour obtenir cette annulation, ils invoquent une erreur portant sur les qualités substantielles du bien vendu (devenues « qualités essentielles » depuis la réforme du code civil de 2016) puisque dans ce cas, l’erreur pourra conduire à l’annulation de la vente. En effet, toute erreur ne conduit pas nécessairement à l’annulation du contrat, seule l’erreur portant sur les qualités substantielles du bien le permet. La victime de l’erreur devra ainsi démontrer non seulement qu’elle n’aurait pas contracté en l’absence de ces qualités, mais que son cocontractant en avait connaissance. Dans ce cas, le consentement à la vente peut être considéré comme vicié et conduire à l’annulation du contrat.
Dans cette affaire, les juges d’appel avaient initialement rejeté la demande d’annulation de la vente. Leur décision a été censurée par la Cour de cassation. Cette dernière rappelle que les parties à un contrat de vente peuvent convenir, de façon expresse ou tacite, que l’éligibilité du bien à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle du bien. La Cour souligne ici qu’il convient de rechercher si les parties avaient contracté en considération de l’éligibilité au dispositif de défiscalisation, et s’ils auraient effectivement conclu la vente dans le cas contraire. A défaut, la Cour considère que le consentement des acquéreurs a pu être donné par erreur portant sur les qualités substantielles et pouvait donner lieu à annulation de la vente.
A noter que la détermination de la qualité substantielle est une question de fait soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond. La Cour de cassation n’aura pas à apprécier de ces éléments et renvoie en principe l’affaire devant une cour d’appel afin de se prononcer.
Attention, la question de la défiscalisation ne sera pas automatiquement considérée comme une qualité substantielle. Il appartiendra bien à la victime de l’erreur de démontrer qu’elle n’aurait pas contracté en l’absence d’éligibilité au dispositif fiscal et que le vendeur en avait connaissance.
Source : Cass. com., 22 juin 2022, n° 20-11.846
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