À l'occasion de la 15ᵉ édition de la Journée nationale des aidants, le collectif Je t'Aide a fait réaliser, avec l'aide de ses partenaires, une étude par l'institut BVA.


Intitulée «Baromètre des aidants 2024», cette étude a pour enjeu d'actualiser la connaissance sur le phénomène sociétal de l'aidance et de contribuer à l'auto-reconnaissance des aidants, thème central de cette JNA 2024. 

Si l'évaluation quantitative du nombre d'aidants en France confirme ce que l'on savait déjà, à savoir qu'un quart de la population française est aidante, d'autres éléments viennent apporter un éclairage nouveau. 

En particulier, la connaissance du terme « aidant »*  a nettement progressé :

  • 88 % des personnes interrogées connaissent aujourd'hui, avec plus ou moins de précision, ce que recouvre ce terme
  • et 61 % pensent avoir à endosser ce rôle dans le futur. 

Concernant l'auto-reconnaissance des aidants, c'est-à dire la conscience que l'on est l'aidant de son proche :

  • 73 % se considèrent comme tels au regard de la définition du terme,
  • mais 48 % seulement utilisent ce terme pour parler de leur situation. 
  • et 40 % ne parlent pas du tout de leur situation à l'entourage. 


Un délai de trois ans pour prendre conscience de son rôle d'aidant 

Très souvent, lorsque survient la maladie ou le handicap, l'aidant considère que l'aide apportée fait partie de ses devoirs vis-à-vis du proche aidé. 

Ce n'est qu'après un temps de maturation assez long que la personne qui apporte son aide considère qu'elle joue un rôle qui va au-delà de ce qu'impliquent les liens de solidarité normaux au sein de la famille. 

Ainsi, 59 % des sondés estiment qu'il leur a fallu plus de trois ans pour considérer qu'ils accomplissaient le rôle d'aidant.

Dans la prise de conscience du rôle d'aidant par l'aidant lui-même :

  • l'entourage proche (famille, amis, voisins, collègues…) a joué un rôle important 
  • dans 34 % des cas,
  • dans 20 % des cas, ce sont les professionnels de santé qui ont aidé à la prise de conscience,
  • et pour 12 % ce sont les intervenants à domicile,
  • les réseaux sociaux, les campagnes d'information ou les médias sont à l'origine de 19 % des prises de conscience. 

On comprend, grâce à ces données, qu'une grande partie des aidants ne prend conscience de son rôle qu'avec l'aide d'un tiers, que celui-ci soit un proche, un professionnel ou un média. 

Ajoutons que selon l'étude  : 

  • 69 % des aidants accompagnent un proche qui vit à son propre domicile,
  • 23 % des aidants sont seuls pour s'occuper de leur proche (avec une sur-représentation des femmes),

Enfin, on notera que généralement les aidants se sentent peu soutenus par l'administration et les pouvoirs publics, alors que l'aide des professionnels de santé, des intervenants à domicile et des associations est plus largement reconnue. 

L'enjeu de l'auto-reconnaissance des aidants 

Nous avons mentionné plus haut deux éléments importants :

  • 73 % des aidants interrogés se reconnaissent dans la définition de l'aidant*,
  • mais seulement 48 % se considèrent comme aidant.

C'est un peu comme si ces 48 % d'aidants considéraient que « être aidant, c'est pour les autres ». 

En effet, très souvent, les aidants expriment que ce qu'ils font pour leur proche est normal en tant que fils/fille, parent ou conjoint.

Dès lors qu'ils considèrent que ce qu'ils font est normal, ces aidants s'interdisent en quelque sorte de rechercher de l'aide. Or, nous savons que ce qui fait peser un risque sur la santé de l'aidant, c'est bien le fait d'assumer tout sans aide et dans l'isolement. 

Nous avons également mentionné que 59 % des aidants ne prennent conscience de leur rôle qu'après plus de trois années d'aidance. Ce n'est que poussé par l'épuisement qui menace et avec les conseils de l'entourage que nombre d'aidants acceptent de se considérer comme tels. 

Il y a donc bien un enjeu dans la prise de conscience précoce du rôle d'aidant. 

L'auto-reconnaissance permet à l'aidant d'accepter, sans ressentir de culpabilité, qu'il a lui-même besoin de soutien pour accomplir son rôle dans les meilleures conditions.  

Ce n'est qu'à partir de là qu'il pourra être sensibilisé aux dispositifs d'aide sur lesquels il peut s'appuyer.

Or l'étude citée pointe le manque de notoriété de certains dispositifs de soutien aux aidants. 

Par exemple : 

L'aidance face à un plafond de verre

Enfin, 26 % des aidants seulement ont entendu parler de la journée nationale des aidants. 

On ne peut que regretter que cette JNA instaurée en 2010 souffre depuis quelques années d'une moindre couverture médiatique. Cela est dû en partie au contexte de crise (sanitaire/covid, géopolitique, financière...) qui a occupé ou occupe le devant de la scène. 

Ce constat conduit le Collectif Je t'Aide à parler de « l'aidance face à un plafond de verre ».

En effet, les avancées enregistrées jusqu'en 2020 dans la reconnaissance des aidants semblent avoir été stoppées.

Laissons la parole aux membres du Collectif Je t'Aide qui donnent, dans leur plaidoyer 2024, une teinte d'amertume à cette 15ᵉ édition de la JNA :

« Alors que la 1ʳᵉ stratégie avait donné de l’espoir et assuré aux structures et aidant·es qu’une grande partie de leurs revendications avaient été prises en compte, abordant presque tous les sujets et situations d’aidance, la suite se fait toujours attendre 4 ans plus tard. 

Depuis 2020, les situations des aidant·es et de leurs proches s’aggravent, face à un secteur du médico-social qui peine à sortir la tête de l’eau, car absent des priorités gouvernementales. 

Alors que l’urgence de la prise en compte des publics vulnérables se fait ressentir d’année en année, le sujet passe au second plan. 

De plus en plus, un décalage se dessine entre les annonces politiques absentes et creuses, et le dynamisme des actions réalisées sur le terrain. 

Des acteur·rices du terrain qui font aussi face à des difficultés, notamment financières.

Les structures accompagnant les aidant·es et leurs aidé·es étant aujourd’hui fortement contraintes par un système d’appels à projets perpétuels et de financements non stables ».

Pour notre part, nous continuerons à apporter aux aidants visibilité et conseils. Nous sommes plus que jamais convaincus de la nécessité de le faire pour les aidants eux-mêmes, mais aussi pour leur entourage dont nous avons vu qu'il joue un rôle important dans l'auto-reconnaissance de l'aidant.


* Définition du terme « aidant » proposée aux personnes interrogées dans l'enquête :

Les « aidants » sont des personnes qui apportent une aide régulière et à titre non professionnel, à un proche malade, en situation de handicap ou de perte d’autonomie, pour accomplir tout ou partie des activités de la vie quotidienne (soutien moral, courses, cuisine, ménage, organisation des rendez-vous médicaux…). Ils résident ou non sous le même toit que la personne aidée.


ARTICLES N° 136 et 137 : La Maison des Aidants® Association Nationale / ANPERE