La 10ème journée nationale des aidants (JNA) s'est déroulée le 6 octobre dernier, avec une demande forte : «Pour qu'aider ne rime plus avec précarité». Le thème de la précarité a été choisi en amont par les aidants eux-mêmes par le biais d'un vote en ligne (Pour la JNA 2018, c'est le thème de la santé des aidants qui avait été choisi).
Le collectif Je t'Aide, organisateur de la JNA, a mis en exergue, à l'intention notamment des pouvoirs publics, les formes multiples que prend la précarité liée au rôle d'aidant. Sont affectés les plans de la santé, des finances, de la situation professionnelle, des relations sociales...
On peut lire ici dans le détail le plaidoyer 2019 «Pour qu'aider ne rime plus avec précarité».
Une précarité multiforme qui s'installe parfois de façon brutale, lors de la survenue d'une maladie ou d'un accident, ou de façon progressive, au fur et à mesure de la durée et de l'importance de l'aide apportée.
Les quatre i...
Insécurité, inquiétude, incertitude, isolement sont des ressentis souvent éprouvés par les aidants.
Et chacun de ces termes peut s'appliquer à de nombreux domaines de la vie.
Pour ne donner que quelques exemples, on peut ressentir :
- de l'insécurité à l'idée de ne plus parvenir à concilier son travail et son rôle d'aidant,
- de l'inquiétude sur l'augmentation des besoins de la personne aidée si sa maladie ou son handicap s'aggrave,
- de l'incertitude sur la capacité à faire face financièrement, ou en terme de capacités physiques ou psychiques, aux besoins du proche aidé,
- de l'isolement lorsque l'on se coupe, du fait de l'aide apportée, de ses relations affectives, familiales, sociales...
Ces états émotionnels provoquent un stress usant pour des aidants insuffisamment soutenus, qui deviennent vulnérables et ont le sentiment d'être assignés exclusivement à ce rôle.
Une majorité d'aidantes et une précarité plus marquée pour elles
Dans son plaidoyer 2019, le collectif Je t'Aide souligne également le fait que la précarité se décline davantage encore au féminin. Le baromètre de la fondation April/BVA, publié justement à l'occasion de la JNA, vient rappeler que 57% des aidants sont des femmes. En analysant les faits plus en détail, le collectif Je t'Aide souligne que plus l'aide est intensive, et plus elle est assurée par les femmes. De même, au sein du couple, si les soins nécessaires à un enfant handicapé impliquent que l'un des deux parents cesse de travailler, ce sera le plus souvent la mère.
Aux quatre i que nous évoquions précédemment, peut donc s'en ajouter un 5ème : celui d'injustice...
Un travail invisible
Ces heures passées à aider ne sont pas considérées comme du travail.
Pourtant, le collectif Je t'Aide souligne un fait parlant : lors des débats sur l'expérimentation du baluchonnage en France, le principal obstacle résidait dans la question du temps de travail. La présence 24/24 h d'un.e professionnel.le en remplacement de l'aidant à domicile ressortait en effet comme une grave atteinte au droit du travail.
L'aidant.e cependant, assigné.e gratuitement au domicile, l'assume sans que cela ne suscite de réaction de personne...
Si le chiffrage du temps dédié par les aidants pour assurer les soins de leur proche à domicile est une question délicate, il n'est cependant pas inutile de la poser. En effet, prendre la mesure chiffrée de ce travail invisible permettrait de valoriser les aidants, et surtout d'amener à des mesures de soutien pour qu'effectivement «aider ne rime plus avec précarité».
Des mesures et des projets
Beaucoup donc reste à faire pour reconnaître et soutenir les 11 millions de femmes et d'hommes qui accompagnent et soutiennent un proche fragilisé. On peut toutefois saluer un progrès attendu : celui de l'indemnisation du congé de proche aidant annoncée par Madame Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé. Madame Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, a quant à elle évoqué l'annonce prochainement d'un plan de soutien aux aidants.
Enfin, la loi autonomie et grand âge, attendue en 2020, devrait englober des mesures pour les aidants de proches âgés. Le collectif Je t'Aide poursuit de son côté son action de médiatisation et de revendication d'un statut et de droits pour les aidants. Nous suivrons l'actualité sur ces thèmes et nous nous en ferons l'écho dans nos pages.
Pour aller plus loin :
- Reportage du journal Libération : Une maison du répit pour «aider l'aidant à interrompre son rythme effréné»
- Pétition en ligne du collectif Je t'Aide pour la reconnaissance d'un statut d'aidant.e en France
ARTICLE N° 27 1-2 Novembre 2019 La Maison des Aidants / ANPERE