Un bouleversement des rapports familiaux
La survenue du handicap, de la maladie, ou de la perte d'autonomie liée au grand âge bouleverse souvent les relations au sein de la famille.
L'aide nécessaire au proche fragilisé peut être l'objet de points de vue divergents à plusieurs niveaux. Par exemple :
- la volonté exprimée par la personne aidée diffère de l'orientation que sa famille souhaiterait lui faire prendre concernant l'organisation de sa propre vie,
- chaque membre de la famille porte une appréciation différente sur les besoins et les intérêts du proche aidé,
- le point de vue de l'un des aidants (souvent l'aidant le plus proche) s'oppose à celui du reste de la famille (ou de la fratrie si la personne concernée est le parent âgé)...
Quand l'aide au proche fragilisé est source de conflit
De plus, la charge de l'aide peut reposer de façon inégale sur l'un ou l'autre membre de la famille, et cela peut être ressenti de façon injuste par celui ou celle qui assume le plus d'efforts.
A l'inverse, certains membres de la fratrie peuvent se sentir exclus de l'aide à apporter si celle-ci est assumée de façon exclusive par une seule personne, perçue comme le frère ou la sœur préférée.
Quelques exemples illustreront en partie la diversité des situations qui se rencontrent «sur le terrain» :
- Claudine vit à proximité de sa mère, ses deux frères vivent à distance.
- Elle assume seule l'aide nécessaire et se rend compte au jour le jour des signes préoccupants de perte d'autonomie de sa mère.
- Lorsqu'elle en parle au téléphone avec ses frères, ceux-ci minimisent en soulignant que lors de leur dernière visite, ils l'ont trouvée en pleine forme.
- Si Claudine insiste en évoquant la nécessité d'une «consultation mémoire», ses deux frères ne sont pas loin de penser que Claudine veut faire passer leur mère pour démente.
- Il est vrai que la vieille dame, ravie de voir ses fils, se montre, lors de leurs brefs passages, au mieux de sa forme.
- Claudine, qui la visite tous les jours, a un point de vue bien différent sur l'état de santé mentale de leur mère. Elle voudrait pouvoir discuter sereinement de mesures à prendre.
- Mais, de la part de ses frères, il y a comme une fin de non recevoir.
- Jean-Pierre a un frère de 50 ans, souffrant de schizophrénie, revenu vivre chez leur mère.
- La maman, âgée de 83 ans est parfaitement autonome. Mais Jean-Pierre soupçonne de la part de son frère des comportements proches de la maltraitance, même si la vieille dame ne se plaint de rien.
- Lorsque Jean-Pierre évoque ses craintes à sa sœur, celle-ci lui dit que de toute façon il ne s'est jamais bien entendu avec leur frère.
- Comme dans l'exemple précédent, les craintes de Jean-Pierre ne trouvent pas d'écoute.
- Bernard, Martine et Jacques vivent en proximité de leur père âgé de 83 ans, qui depuis son veuvage a tendance à se laisser aller.
- Bernard et Jacques pensent qu'il est temps d'envisager une entrée en EHPAD.
- Martine, elle, a promis à sa mère avant son décès, que son père resterait vivre dans leur maison.
- Ses frères mettent en avant des risques de déprime, de tendance à l'alcoolisme, avec toutes les éventualités d'accident que cela comporte.
- Martine se sent isolée. Elle est prise dans un «conflit de loyauté» vis à vis de son père, et au regard de la promesse faite à sa mère.
- Françoise, qui vit proche de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer, gère tous les aspects administratifs, patrimoniaux, budgétaires de la vieille dame.
- Elle doit aussi souvent «réparer» les dérapages budgétaires de sa mère, liés au fait que celle-ci n'a plus toutes ses facultés pour préserver ses intérêts.
- Lorsque Françoise évoque la nécessité d'un tuteur, dont elle accepterait d'assumer le rôle, ses frères et sœurs semblent d'emblée la soupçonner d'être intéressée.
- Elle vit cela de façon très douloureuse.
- Laurent a 45 ans ans.
- Il est le dernier d'une nombreuse fratrie. Il souffre de troubles psychiatriques.
- Carole, une de ses sœurs, qui est aussi celle qui le voit vivre quotidiennement, souhaiterait une mesure de curatelle.
- Le reste de la fratrie considère cette mesure comme stigmatisante et, à l'unisson, rejette l'idée, laissant cependant Carole se débrouiller pour régler les déboires nombreux de Laurent.
Conflit et conciliation
De nombreux aidants, au travers de ces quelques exemples, reconnaîtront sans doute une partie de situation vécue. Les aidants les plus affectés par les conflits intra-familiaux sont souvent ceux qui assurent aussi la part la plus importante de l'aide. Ils en ressentent une grande souffrance.
La médiation familiale peut être pour eux une solution pour sortir du conflit.
Pensée à la base pour les problèmes liés aux divorces ou à la garde des enfants, la médiation familiale peut cependant être adaptée à toute forme de conflit, ou de difficulté de communication au sein de la famille.
La deuxième partie de cet article abordera en détail les formes de médiation auxquelles l'aidant peut recourir, et les conditions de leur réussite.
ARTICLE N° 22 JUILLET 2019 LMA/ANPERE