Entre préoccupation pour la santé ou la sécurité du proche âgé, et désir de lui assurer une vie la plus autonome et conforme à ses désirs, l'aidant peut parfois se sentir tiraillé. La crainte des risques (réels ou supposés) auxquels la personne âgée peut être exposée, conduit souvent ses proches à des mesures orientées sur la sécurité, mais laissant de côté l'expression de la personne âgée elle-même. C'est ainsi que l'on peut être bienveillant (souci de l'autre, de son confort, de sa santé etc...) mais pas forcément «bientraitant»...
La bientraitance, une notion complexe
Le concept de bientraitance s'est diffusé au sein notamment des établissements pour personnes âgées, afin de développer auprès des personnels une éthique et une pratique respectueuses de la personne dans toutes ses dimensions. L'Anesm* (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) rappelle que :
« La bientraitance ne se réduit ni à l’absence de maltraitance, ni à la prévention de la maltraitance »
Si les préconisations de l'Anesm ont pour but de développer les pratiques de bientraitance auprès des professionnels, le cadre privé ne fait pas l'objet quant à lui d'une définition de cette notion. On peut toutefois s'inspirer, dans le contexte familial d'accompagnement d'un proche âgé, des recommandations de l'Anesm en retenant des éléments tels que :
- le respect de la personne et de son histoire, de sa dignité, et de sa singularité
- la valorisation de l'expression et l'écoute de la personne âgée pour ce qui concerne le lieu, le rythme et les modalités de vie qu'elle privilégie sur les autres.
Il y a toujours au moins deux façons de voir les choses
Regardons maintenant ces quelques exemples observés auprès d'aidants réunis dans le cadre d'un groupe de soutien aux aidants :
- François s'inquiète que son père âgé de 84 ans conduise encore. Pensant le convaincre de renoncer, il ne perd pas une occasion de lui dire «Un de ces jours tu vas avoir un accident ! Ce n'est plus raisonnable de conduire à ton âge».
- Chantal trouve que sa mère entasse trop de choses dans sa maison et que cela ne facilite pas l'entretien. Elle ne cesse de lui dire «à quoi bon garder ceci ou cela ? Cela ne te sert plus à rien, jette donc ces vieilleries»,
- Le père de Catherine est toujours autonome, mais son épouse ne l'est plus du tout et il ne peut plus assurer son maintien à domicile. Par solidarité avec sa conjointe, il décide d'entrer avec elle en Ehpad. Mais au lieu de l'Ehpad de la petite ville où résident ses parents, et où son père pourrait continuer à fréquenter des amis, Catherine tente de convaincre celui-ci d'intégrer l'Ehpad de la ville où elle même habite. Elle pourrait ainsi aller voir ses parents plus souvent.
- Jérôme rend visite à sa mère au sein de l'Ehpad où la vieille dame, veuve, réside depuis trois ans. Il remarque que celle-ci semble avoir un lien particulier avec un résident, M. Jean. Cette situation provoque la gêne de Jérôme vis à vis du personnel. Il fait à sa mère le reproche de cette proximité avec M. Jean, en sous-entendant que ce n'est pas convenable.
- Les enfants de Simone, et en particulier Clarisse sa fille aînée, souhaiteraient la voir déménager dans un plain-pied. Simone vit depuis plus de 40 ans dans cette maison, construite avec son mari. «Les souvenirs - lui disent ses enfants -ne valent pas la peine de risquer un accident dans les escaliers».
Dans chacun de ces exemples, il y a toujours à la base une préoccupation de l'aidant, assortie d'une bonne intention. Dans l'ordre des exemples, on peut évoquer le souci de sécurité, d'hygiène, de proximité, de moralité, de praticité.Mais cette préoccupation va à l'encontre du souhait, et donc du respect de la liberté, de la personne âgée concernée. Il y a toujours, dans les exemples choisis, deux points de vue : celui de la personne âgée et celui de ses proches.
Dans notre prochain article nous envisagerons, à partir des exemples évoqués, quelle pourrait être l'autre façon d'appréhender les choses pour ces aidants, en intégrant les notions de :
- respect des souhaits de la personne âgée,
- respect de ce qui constitue son identité et sa singularité,
- équilibre entre sécurité et liberté de la personne âgée,
- posture de négociation sans rapport de force.
ARTICLE N° 24 LA MAISON DES AIDANTS / ANPERE