Trop près ou trop loin... mais toujours inquiets Notre pays va bientôt entame prudemment et progressivement son processus de déconfinement, Soulagement pour les uns, inquiétude pour les autres, ou le plus souvent sentiments mêlés, la phase qui s'ouvre est pour chacun pleine d'interrogations. Pour les 11 millions de français qui sont des proches aidants, comment cette phase de confinement a-t-elle été vécue ? Comment se projettent-ils dans l'après confinement ?
Il est difficile de répondre de façon générale car il y a autant de situations singulières que de binômes aidant-aidé. Mais leurs situations présentent souvent des similitudes.
Nous avons recueilli quelques témoignages auprès de La Maison des Aidants®.
Trop près...
Certains aidant.es se sont brusquement retrouvés confinés avec leur proche, alors qu'ils vivaient jusqu'ici séparément :
- retour précipité d'hospitalisation avec pour solution la plus immédiate d'accueillir chez soi un parent, frère ou sœur, dans l'improvisation la plus totale,
- décision de prendre chez soi son parent âgé et isolé, par crainte des conséquences que le confinement aurait sur son état général,
- choix de rester confiné.e au domicile du proche...
Clarisse qui travaille dans le domaine du marketing dit avec humour :
On parle de l''«agilité» comme qualité dans les entreprises...
... mais on pourrait mettre en avant celle des aidants !
Je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir à deux fois : ma mère, veuve, avait été hospitalisée peu avant le confinement. Son retour a été accéléré compte tenu du contexte. Comment la laisser rentrer chez elle en sachant que rien n'était en place et que je ne pourrai pas me déplacer facilement ?
Ni une ni deux...
...poursuit Clarisse,
je lui ai dit tu viens à la maison ! J'ai dû télé-travailler, m'occuper de mon fils de 6 ans, et mettre en place les soins à domicile, dans un appartement de 45 m2 !
J'ai trouvé en moi les ressources pour faire face toute seule. Mais cette période aura été épuisante !
Sans compter que ce n'est pas terminé...
… ou trop loin
Isabelle réside à 200 kms de son frère qui présente des troubles psychiques et vit seul. Elle lui rend habituellement visite au minimum chaque mois et passe le week-end avec lui. Elle remet de l'ordre dans la maison, veille aux aspects administratifs et budgétaires, cuisine et congèle pour qu'il s'alimente correctement. Elle ne peut plus le joindre que par téléphone, et encore faut-il qu'il réponde.
Isabelle confie :
Je ne dors plus ! Je me demande dans quel état je vais le retrouver. Il déprime avec ce confinement.
J'ai peur qu'il se remette à boire. J'ai accès à ses comptes et je vois des retraits d'argent. J'angoisse parce que je sais qu'il ne prend pas toutes les précautions d'hygiène et risque d'attraper le virus.
J'ai continué à travailler{dans la grande distribution Ndr} et je ne peux pas aller voir sur place.
A l'inverse de Clarisse, Isabelle connaît l'éloignement géographique et l'angoisse qui l'accompagne.
D'autres connaissent un éloignement sans pour autant vivre à distance. C'est le cas de celles et ceux
qui ont dû accepté la rupture, parfois tragiquement vécue, des liens avec leur proche en Ehpad.
… et toujours inquiets
Certains aidants ont préféré se passer des services à la personne lorsque les conditions d'hygiène ne leur semblaient pas respectées. Ils ont dû alors assurer eux-mêmes les tâches effectuées habituellement par les aides à domicile.
Nombre d'aidants ont dû au contraire faire face à la déstabilisation des services à domicile, particulièrement dans les premiers temps du confinement.
Une enquête de Que choisir (Confinement : l'inquiétude pour les personnes âgées) met en lumière les difficultés rencontrées par les proches aidants de personnes âgées tant en Ehpad qu'à domicile.
Que choisir a également pointé les difficultés rencontrées pour les déplacements liés à la nécessité de porter assistance à son proche vivant à son propre domicile (Visite à un proche âgé. Un flou qui laisse trop de place à l'arbitraire)
Pour Virginie aussi l'inquiétude est grande. Sa fille Lisa est handicapée et ne se déplace qu'en fauteuil roulant électrique. Elle fréquente un IREA (Institut régional d'enseignement adapté) spécifique pour les jeunes porteurs d'un handicap moteur. C'est une brillante élève. La poursuite d'études sera en partie conditionnée par le fait de trouver un établissement d'enseignement supérieur compatible avec son handicap.
Virginie et Lisa avaient entamé dès février des démarches car il était évident que la recherche serait longue. Le confinement a tout interrompu. Si Lisa conserve l'optimisme de son jeune âge, sa mère est au contraire très inquiète :
Je vois bien confie-t-elle à quel point il est difficile de contacter les établissements en ce moment. Ne parlons même pas de se rendre sur place. Que va-t-il se passer pour Lisa s'il n'y a pas de solutions à la rentrée ?
La période que nous vivons est pour tous bouleversante et compliquée à bien des égards.
Mais pour les proches aidants qui ont déjà en temps ordinaire une vie plus difficile, les problèmes sont démultipliés.
Nous continuerons dans nos prochains articles à porter leurs témoignages et leurs paroles, pour contribuer à faire connaître le rôle majeur qu'ils tiennent dans notre société.
A consulter :
A lire aussi :
Les billets d'humeur de Jean-Claude, Serge et Ghislain :
Pour aller plus loin :
Communiqué de presse du Collectif Je t'aide
Agir pour les aidants – Stratégie de mobilisation et de soutien
ARTICLE N° 40 LA MAISON DES AIDANTS / ANPERE 04 2020