L'aidant.e à distance est celui ou celle qui accompagne un proche dont l'autonomie est diminuée, tout en vivant plus ou moins loin de celui-ci.
Cette famille d'aidants recoupe largement celles des fils/filles aidants, des salariés aidants, et aussi des jeunes aidants. Cette situation d'aide à distance concerne en effet souvent des aidant.e.s accompagnant leurs parents âgés, malades ou handicapés, tout en poursuivant une activité professionnelle ou étudiante.
La distance empêche d'effectuer les tâches que l'aidant assurerait s'il vivait en proximité.
Il pourrait donc sembler paradoxal de parler d'aidant à distance. Cependant il s'agit bien d'un accompagnement réel mais qui s'organise différemment de l'aide de proximité.
Aidants à distance : des préoccupations particulières
L'aidant à distance a ceci de particulier qu'il ne voit pas régulièrement le proche aidé dans son environnement et ses conditions de vie. La relation d'aide est basée sur des échanges téléphoniques et sur l'expression des besoins ou des difficultés du proche aidé. Cette expression, non corroborée par le constat visuel de l'aidant, peut être plus ou moins biaisée :
- le parent peut minimiser ses difficultés pour ne pas ajouter de préoccupations à son fils ou sa fille,
- les difficultés peuvent au contraire être amplifiées par le parent, signal faible d'une dépression plus ou moins importante, surtout si la personne aidée vit seule,
- les besoins tels que perçus par l'aidant peuvent être différents de ceux réellement ressentis par l'aidé...
Les impressions laissées de part et d'autre après un appel téléphonique peuvent donner lieu à des interprétations ou des malentendus, à des craintes diffuses et à un sentiment de malaise.
Pour pallier l'éloignement, l'aidant.e à distance a tout à gagner à miser sur une organisation et une planification rigoureuses.
Aidants à distance : une organisation particulière
Ceci est vrai pour tous les aidants, mais encore plus vrai pour les aidants à distance : la planification et l'organisation permettent une gestion plus efficace et rationnelle de l'aide apportée.
Cela passe par une définition claire des besoins du proche aidé, en lien avec son état de santé physique et/ou psychique et avec l'évolution de cet état.
Les visites sur place sont l'occasion de se rendre compte, de mesurer, de discuter autour des points fondamentaux du maintien de l'autonomie, en somme d'évaluer l'ensemble des besoins :
- en aide matérielle : courses, ménage, jardin, déplacements... ,
- sur le plan de l'hygiène et de la santé : prise des médicaments, observance des traitements, repas, toilette... Y a-t-il des indices de problèmes de santé physique ou mental nouveaux?
- sur le plan de la sécurité au domicile : le système de télé-assistance est-il bien adapté, le logement est-il sécure par rapport aux risques (de chute, d'effraction...),
- sur le plan affectif, du moral, des relations sociales,
- sur le plan de la sécurité financière : y a-t-il des signes préoccupants d'une difficulté à gérer les ressources ?
- Et de façon prévisionnelle : une hospitalisation est-elle envisagée ? Comment organiser la suite ?
Une fois ces besoins évalués point par point , l'aidant.e est mieux à même de voir ceux qui sont satisfaits et ceux qui au contraire demandent à être couverts.
A partir de cette clarification l'aidant.e peut s'adresser aux services compétents : aide à domicile, service de soins infirmiers, prise de rendez-vous mécical, lieux de loisirs et d'échange, mesure de protection juridique si nécessaire (lire notre article «Les aidants et les mesures de protection juridique des personnes vulnérables»)
Il lui reste alors à planifier les interventions et démarches dans un équilibre cohérent, ce qui n'est pas forcément simple, mais toujours plus efficace qu'une réponse au coup par coup.
L'aidant.e est aussi mieux à même de programmer si nécessaire une adaptation du logement.
Des services spécifiques peuvent être saisis, tels que le dispositif «Ma primadapt».
On peut à ce sujet visiter le site gouvernemental France Renov'.
Une offre de service modernisée qui tient compte de l'éloignement aidants/aidés
Il faut souligner que les enseignes de services à domicile ont généralement bien intégré cette donnée sociologique de l'éloignement. Elles proposent un panel de services intégrant la télé-assistance tout en assurant un lien avec l'aidant.e de référence.
Dans les petites communes, le centre communal d'action sociale sera l'interlocuteur privilégié.
Les pharmacies pour leur part assurent de plus en plus souvent un service de livraison à domicile.
Enfin les technologies de la communication permettent, à condition d'initier son proche, des conversations en video, l'envoi de photos ou de vidéos pour partager les événements petits ou grands du quotidien de la famille.
Sans minimiser les difficultés que peuvent rencontrer les aidant.e.s à distance, il est indéniable que ces solutions constituent un progrès considérable.
Développer la subtilité de l'écoute
Les aidant.e.s à distance évoquent souvent le fait d'avoir développé un sens de l'écoute subtil, ainsi qu'un certain sens de la négociation.
Ces quelques témoignages en sont une illustration :
Dany
J'étais encore en activité quand mes parents ont commencé à perdre en autonomie. Résidant à une soixantaine de kilomètres d'eux, je ne pouvais pas m'y rendre tous les jours.
Je percevais lors de mes visites une perte de mémoire chez mon père et encore plus chez ma mère. Je voyais aussi une maison moins bien tenue.
Je recevais au travail des coups de fil impromptus. Ils semblaient ne pas réaliser que je travaillais.
Couple soudé, chacun s'attachant à «couvrir» les faiblesses de l'autre, il était très difficile d'aborder la question.
J'ai de plus été éduquée dans un grand respect de l'autorité de mes parents. Il était difficile pour moi d'intervenir dans leur vie.
J'ai alors eu l'idée d'appeler notre médecin de famille, retraité mais toujours impliqué dans la vie de la commune. Je lui ai fait part de mon ressenti et lui ai demandé s'il ne pouvait pas «combiner» une «petite visite de courtoisie» chez mes parents.
C'est avec ce précieux complice que j'ai pu amener mes parents à une consultation mémoire. Pour mon père rien de grave, mais pour ma mère il y avait bien un début de maladie d'Alzheimer.
A partir de là j'ai pu mettre en place un plan d'aide à domicile, léger au début, puis plus important par la suite et encore maintenant.
Si je n'avais pas utilisé ce petit subterfuge au départ, je pense que la situation serait bien plus compliquée aujourd'hui.
Tout n'est pas simple car je dois gérer à distance les différentes interventions, rendez-vous etc. mais le recours aux services et à une télé-assistance de dernière génération permet le maintien d'une vie au domicile assez satisfaisante, sans que je sois toujours dans l'angoisse.
Pierre-Marie
Bien occupé dans ma vie professionnelle, j'avais du mal à faire face à distance à une forme de dépression de ma mère après le décès de mon père.
Cette femme fière, habituée à ne jamais rien demander à personne, se trouvait totalement démunie en se retrouvant seule.
Au téléphone je ressentais une forme de plainte sur sa solitude, tout en n'acceptant aucune suggestion de ma part. Les conversations s'éternisaient pour au final ne rien dire.
Cela devenait très pesant pour moi, et je m'en voulais de ressentir cela.
A 78 ans elle restait physiquement tout à fait autonome, mais le plan mental était fragile. Connaissant ses aptitudes et ses goûts artistiques, mais sachant qu'elle n'acceptait aucun conseil, j'ai rusé et je lui ai dit un jour au téléphone : «Sais-tu que je me remets à l'aquarelle ? Si tu t'y mets aussi, on pourrait comparer nos œuvres !»
Cela a suffit pour qu'elle s'inscrive à un atelier. En fait, cette proposition nous remettait sur un pied d'égalité et recréait de la complicité entre nous.
Elle va beaucoup mieux aujourd'hui et reprend goût aux relations sociales.
Cela m'enlève un poids, peut-être celui de la culpabilité de n'être pas près d'elle aussi souvent que je le souhaiterais. Mais chacun doit avoir sa vie.
Mon rôle est de veiller sur elle, pas de remplacer la perte de mon père.
(J'ajoute que du coup j'ai du me remettre pour de bon à l'aquarelle!)
Corine
Lorsque ma mère veuve a commencé à perdre une partie d'autonomie (ne plus conduire, avoir du mal à gérer sa grande maison...), je me suis beaucoup inquiétée. Son moral déclinait aussi, alors que c'est une femme dynamique par nature.
Nous vivons à 120 kms et je ne peux pas me rendre chez elle très souvent. Mes deux garçons de 17 et 20 ans, très branchés sur la communication, internet, les réseaux sociaux... m'ont suggéré de «moderniser mamie». Nous sommes allés en famille lui rendre visite et ils l'ont initiée aux modes de communication modernes que personnellement je ne maîtrise pas.
Après une formation accélérée, mamie était tout à fait enthousiaste pour s'équiper d'un téléphone performant !
Depuis je m'y suis mise aussi et nous communiquons le plus souvent par video.
C'est un changement radical dans ma façon d'appréhender le soutien que j'apporte à ma mère.
Je la vois, je perçois mieux si une difficulté se présente, elle coopère elle-même à l'amélioration de son environnement, prête à accepter les «nouveautés modernes» comme elle dit, notamment une télé-assistance.
C'est le rôle d'émulation de ses petits-enfants qui a été déterminant !
On le voit, complicité dans un cas, petit subterfuge pour faire accepter une suggestion dans l'autre, émulation de la jeunesse dans le troisième... les aidant.e.s à distance développent des stratégies pour accompagner leurs proches dans le respect et la bienveillance. L'éloignement les amène à aiguiser leurs qualités d'écoute, de tact et d'inventivité.
Consulter notre dossier complet :
Lire aussi :
Dans la famille aidants, je demande...
- Le jeune aidant
- Le.la conjoint.e aidant.e
- Le père/la mère aidant.e
- Le fils/la fille aidant.e
- Le salarié aidant
ARTICLES N° 130 et 131: La Maison des Aidants® Association Nationale / ANPERE